Logo Assnat Ouverte

20150602-148467

Le Président :

Mmes, MM. les députés, chers collègues et anciens collègues — quelques-uns parmi nous, dont l'ancien vice-premier ministre avec nous — il est de ces événements qui marquent une nation, et nous en vivons un aujourd'hui. Le décès de M. Jacques Parizeau attriste non seulement la classe politique, mais le Québec tout entier. Je tiens à offrir mes meilleures... mes sincères condoléances et celles de tous les parlementaires à son épouse, Mme Lisette Lapointe, ainsi qu'aux enfants et à tous les proches de M. Parizeau. C'est une tristesse et un vide que tous les Québécois ressentent, peu importe leur appartenance politique. Nous allons nous recueillir quelques instants en ayant à l'esprit sa famille, ses amis, ses collègues parlementaires.

Merci. Veuillez vous asseoir.

Je cède la parole maintenant à M. le chef de l'opposition officielle pour la présentation d'une motion en hommage à M. Jacques Parizeau. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Péladeau :

Merci, M. le Président. Donc, la motion se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale rende hommage à M. Jacques Parizeau, premier ministre du Québec de 1994 à 1996, ministre des Finances de 1976 à 1984, député de L'Assomption de 1976 à 1984, puis de 1989 à 1996, et conseiller économique et financier du gouvernement du Québec, pour sa contribution exceptionnelle au développement du Québec moderne;

«Afin d'honorer sa mémoire, qu'elle recommande que l'édifice abritant le bureau principal de la Caisse de dépôt et placement du Québec à Montréal porte désormais le nom d'édifice Jacques-Parizeau.»

Le Président :

Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Je comprends que les chefs de chacune des formations politiques prendront la parole à tour de rôle sur cette motion, suivis par M. le député de Rosemont, Mme la députée de Vachon, M. le député de Bourget, M. le vice-président de l'Assemblée nationale et député d'Abitibi-Ouest, et enfin M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Brome-Missisquoi.

Je cède donc la parole immédiatement à M. le premier ministre.

M. Couillard :

Merci, M. le Président. Chers collègues, Québécois et Québécoises qui nous écoutez, c'est avec une profonde tristesse que nous avons appris tôt ce matin le décès d'un homme d'exception, le premier ministre Jacques Parizeau. Je souhaite aujourd'hui joindre ma voix à cette motion et partager quelques réflexions à la suite du décès de ce grand Québécois.

Cette journée du 2 juin 2015, elle reste déjà gravée dans nos mémoires comme une journée, bien sûr, chargée d'émotion, qui nous appelle à la fois au deuil et au devoir de mémoire. On sait que, dans la vie, les deux sont presque toujours inséparables. C'est bien sûr un premier ministre du Québec qui s'éteint aujourd'hui, mais c'est aussi un mari et un père qui laisse dans le deuil son épouse, Mme Lisette Lapointe, et ses enfants, Bernard et Isabelle.

Nous ne partagions pas toujours les mêmes idées sur le plan politique, mais je me souviendrai toujours de Jacques Parizeau comme d'un homme de conviction, d'une grande sincérité, respectueux, un orateur plein d'esprit et d'élégance. Peut-être cette élégance lui est venue de sa famille, bien sûr de son éducation, peut-être également de son séjour en Angleterre. On me disait ce matin qu'il fut le premier Québécois à être diplômé du London School of Economics. On a reconnu par la suite chez lui, et par les élégants complets qu'il portait, par certaines postures, par ces expressions qu'il avait, un peu de cette influence, certainement, qu'il aimait, je crois, montrer, qu'il prenait plaisir à montrer.

Nous perdons aujourd'hui un homme d'une droiture remarquable, toujours prêt à défendre ses idéaux et toujours à travailler dans l'intérêt supérieur de la nation du Québec. Porté par son amour du Québec, il a été un ardent défenseur du fait français et de notre spécificité sur le plan culturel. D'ailleurs, cette passion s'est transposée dans toutes les actions qu'il a menées au cours de sa longue et passionnante carrière.

D'abord collaborateur privilégié de la Révolution tranquille aux côtés de Jean Lesage et d'un groupe de collaborateurs très actifs, on le sait, à cette époque, auxquels nous devons beaucoup de ce que nous avons aujourd'hui, il s'est consacré, avec tout le talent, le dévouement et l'énergie qu'on lui connaît, à la cause qui lui tenait à coeur entre toutes et dont il aura été un infatigable défenseur jusqu'à la toute fin.

Bien sûr, encore une fois, sur le plan du destin politique du Québec, il n'y avait pas d'unanimité, il n'y en a toujours pas dans cette Chambre ou dans la population du Québec, mais, sur un élément, je crois, nous sommes unanimes et très fortement majoritaires dans la population du Québec, c'est l'affirmation du fait que c'est avant tout par l'émancipation économique, l'assainissement des finances publiques que le Québec obtient et maintient la pleine liberté de ses choix, une conviction, d'ailleurs, qu'il partageait, je crois, avec Robert Bourassa. Pour cet engagement et cette détermination à faire du Québec une nation prospère et fière, il mérite toute notre admiration et notre respect. Moi, je garderai en souvenir l'image d'un homme fort, un homme d'une intelligence remarquable, un homme d'État qui a consacré sa vie au Québec et au service public.

Au-delà de ses talents d'orateur, c'était un redoutable débatteur et un collègue respecté par tous ceux et celles qui l'ont côtoyé. Peu de politiciens, à travers notre histoire, peuvent se targuer d'avoir eu une influence aussi déterminante sur les grandes questions économiques, et Jacques Parizeau était de ceux-là. Il s'est d'ailleurs exprimé sur ces questions jusqu'à la toute fin de sa vie, même au cours des dernières semaines, sans jamais abandonner ses idées, ses idéaux, ceux-là mêmes qui l'ont guidé toute sa vie.

Parmi les grandes réussites qu'on lui attribue, on note sa contribution exceptionnelle au grand projet de nationalisation de l'électricité au Québec, avec également le groupe qui l'entourait dans le gouvernement de Jean Lesage à l'époque. En politique, on ne fait rien seul, on fait les choses avec et dans une équipe. On lui doit également l'instauration du Régime des rentes du Québec et la création de la Caisse de dépôt et placement, pour ne nommer que quelques-unes des réalisations dont il fut l'un des principaux instigateurs. Une chose également qui m'a marqué à l'époque où j'étais dans le gouvernement pour la première fois, c'est lorsqu'on allait dans les conférences fédérales-provinciales : les collègues des autres provinces et territoires disaient spontanément à quel point Jacques Parizeau était probablement le plus grand expert du Canada sur la compréhension fine des mécanismes de la péréquation canadienne. Dieu sait qu'il s'agit de formules presque alchimiques qu'il est difficile de comprendre dans leur détail, et M. Parizeau en avait une compréhension très fine, et les autres provinces et territoires ne se gênaient pas d'ailleurs pour lui demander son aide et ses opinions sur cette question, comme ils continuent de le faire d'ailleurs avec la fonction publique du ministère des Finances du Québec.

Il est clair que l'État québécois de 2015 — aujourd'hui — qui lui doit tant, doit proposer une façon durable de prolonger sa mémoire. C'est pourquoi j'ai annoncé plus tôt aujourd'hui l'intention du gouvernement de faire en sorte que l'édifice principal des bureaux de la Caisse de dépôt et placement du Québec porte dans l'avenir le nom d'édifice Jacques-Parizeau. Et je suis heureux qu'aujourd'hui l'Assemblée nationale se prononce, je crois, à l'unanimité pour soutenir cette décision qui, je crois, va dans le sens de l'intérêt commun.

M. Parizeau laisse derrière lui, après des années de travail acharné, un Québec fort, fier de ses origines, qui est entré dans la modernité sans aucun complexe. Les Québécoises et les Québécois ont été marqués profondément par ses actions et ses combats, dont le dernier a pris fin malheureusement hier, mais également a mis fin, a mis un terme à des souffrances pénibles à supporter pour lui-même et pour ses proches. Une période de deuil débute, le premier ministre Jacques Parizeau n'est plus, mais sa mémoire vit et vivra parmi nous. Cette belle maison du Québec que nous habitons ensemble, que nous devons tous contribuer à bâtir, elle porte plusieurs briques avec chacune une signature. Il y a beaucoup de signatures de Jacques Parizeau et de ses collègues de l'époque sur ces briques, et certains d'entre eux, de ses collègues, et lui-même ont même, je dirais, laissé des poutres telles que celles qu'on voit dans nos belles maisons ancestrales au plafond de la salle commune. Il faut le remercier, lui et ses collègues, et lui particulièrement aujourd'hui, d'avoir aidé à construire le Québec d'aujourd'hui.

C'est tout le Québec, M. le Président, qui pleure la perte de ce visionnaire. Que le souvenir de ce grand homme demeure en nos mémoires à jamais et qu'il nous soit permis aujourd'hui de lui adresser nos hommages et notre reconnaissance. Merci, M. le Président.

Le Président :

Merci, M. le premier ministre. J'inviterais maintenant M. le chef de l'opposition officielle.

M. Péladeau :

Merci, M. le Président. M. le premier ministre, M. le chef de la deuxième opposition, Mme la députée de Gouin, chers collègues, chers compatriotes. Vous avez raison, M. le premier ministre, de dire que M. le premier ministre Jacques Parizeau était un homme d'exception. Il a été un grand serviteur de l'État, dévoué au service public. Il a consacré sa vie à ses concitoyens et ses compatriotes. Il leur a offert un des plus beaux legs : la modernité.

Jacques Parizeau, c'est l'homme de la modernité du Québec. Il disait, en 1970, et je le cite : «Il faut la prendre en reprenant en main les instruments centraux de notre économie. On doit cesser d'attendre que, chaque fois qu'il s'agisse de questions économiques ou financières, toutes les décisions importantes viennent de l'extérieur. Ces décisions, nous devons les prendre. Nous devons nous donner cette économie saine sans laquelle il n'y a pas de société saine.»

Comme artisan de la Révolution tranquille, il participa à la création du ministère de l'Éducation, le socle sur lequel le développement économique et social s'est appuyé. Ensuite, il initia ou participa à la création des plus importants leviers économiques de notre nation : la Régie des rentes, la Caisse de dépôt et placement du Québec ainsi que la Société générale de financement. Nous saluons et appuyons la décision du premier ministre de rebaptiser en son honneur l'immeuble abritant la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Comme ministre des Finances du premier ministre René Lévesque, il institua le Régime d'épargne-actions, qui a permis, d'une part, de mieux capitaliser des entreprises qui sont devenues des géantes du Québec inc. d'aujourd'hui et, d'autre part, d'initier un très grand nombre de Québécois et de Québécoises au marché financier, au soutien de nos entreprises et à contribuer à notre fierté nationale.

Son apport est aussi considérable pour la création du Fonds de solidarité de la FTQ. Grâce au Régime d'épargne-actions, des entrepreneurs d'ici ont pu propulser leurs entreprises, que l'on pense à CGI, Cascades, Alimentation Couche-Tard, Metro, Saputo, SNC-Lavalin, Jean Coutu, Québecor, Canam Manac, Transat, Lassonde. Toute sa vie, il aura souhaité faire des Québécois des propriétaires et nous procurer les moyens pour y accéder.

Jacques Parizeau était un précurseur et un visionnaire. Grâce à lui, les entreprises ont grandi et ont prospéré. Tout au long de sa vie, liée entièrement au développement du Québec moderne, M. Parizeau a profondément cru à la capacité des Québécois et des Québécoises à devenir réellement maîtres de leur destinée et de leur avenir. Grâce à sa détermination, il offrit au Québec l'émancipation financière, l'assurance que nous étions capables d'y arriver et le courage de faire nos propres choix.

Permettez, M. le premier ministre, de vous corriger poliment puisqu'il a été effectivement le premier Québécois à obtenir un doctorat du London School of Economics. Il est resté le professeur des HEC. Jacques Parizeau a contribué à l'émergence d'une nouvelle génération de financiers et d'économistes québécois francophones. Il est pour moi comme tant d'autres une grande source d'inspiration à l'égard de l'action politique qu'il a entreprise, mais aussi et surtout pour l'audace et l'ambition qu'il a toujours eues pour le Québec. Grand intellectuel et économiste réputé, Jacques Parizeau a mené sa vie publique avec droiture, intégrité et courage.

Grâce à lui et à de très rares autres, la nation québécoise a franchi les portes de la modernité jusqu'aux abords du pays du Québec. Il a été la bougie d'allumage pour les Québécois et les Québécoises pour nous faire comprendre que tout était possible pour nos ambitions, ici comme ailleurs, sur toutes les tribunes. Chaque Québécoise et Québécois porte, en quelque sorte, une partie de l'héritage de Jacques Parizeau. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre, c'est de continuer; c'est, comme il nous l'a dit : Quand nous échouons de si peu, on se crache dans les mains puis on recommence. Son oeuvre est inachevée, mais le chemin est tout tracé. Nous suivrons ses pas.

M. Jacques Parizeau a dit : «La Révolution tranquille a été l'oeuvre de quatre ministres, d'une vingtaine de fonctionnaires et d'une vingtaine de chansonniers [et] de poètes.» Merci, M. Parizeau, d'avoir été l'un de ces grands fonctionnaires, l'un de ces poètes et l'un de ces grands citoyens. Vous êtes pour toujours un géant du Québec.

En terminant, permettez-moi de m'adresser à Mme Lisette Lapointe, à la famille et aux proches de M. le premier ministre Jacques Parizeau. Je vous offre, au nom de l'équipe du Parti québécois ainsi que de l'ensemble de l'aile parlementaire, nos plus sincères condoléances. Merci.

Le Président :

Je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle. J'inviterais maintenant M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. Legault :

Merci. M. le Président, le peuple québécois est en deuil. Cette nuit, on a perdu un de nos grands bâtisseurs. Un grand homme d'État qu'on a perdu avec M. Parizeau, un homme qui est hors du commun, qui laisse un héritage hors du commun. On a beau s'y attendre, hein, on passe tous par là, mais on n'est jamais prêts pour la mort de nos grands personnages. Ils finissent par se confondre à notre histoire, puis on en vient à penser qu'ils sont immortels. On les tient un peu pour acquis, puis, quand ils s'en vont, bien, oui, on a beaucoup de perte puis de peine, et je pense qu'actuellement c'est ça que ressentent à peu près tous les Québécois.

Et c'est le propre de la nature des gens qui ont la stature de Jacques Parizeau de ne pas être admirés seulement par leur propre camp, son héritage transcende tous les clivages partisans. Jacques Parizeau, c'était l'homme des grands projets, un homme qui rêvait grand pour le Québec, qui voulait l'amener vers le haut. Il n'a pas réussi son rêve ultime, mais il a réussi à bâtir un Québec moderne, ouvert en jouant un rôle clé dans la Révolution tranquille. Et il a réussi probablement ce qu'il y a de plus important : nous redonner la fierté, le goût de l'avenir.

Et M. Parizeau, pourtant, a vécu une époque, entre autres les années 60, où le Québec était sous-scolarisé, où les francophones n'avaient pas accès aux postes de pouvoir et de décision dans les grandes entreprises, où les Québécois n'étaient pas maîtres chez eux. Il ne faut pas oublier qu'on vient de loin, on partait de loin, au Québec. Il y avait beaucoup de pauvreté, de fierté blessée dans notre histoire et il y avait beaucoup de gens dans le monde qui ne donnaient pas cher de notre peau, nous, les Québécois. Mais Jacques Parizeau a été un de ceux qui a permis à ce que les Québécois relèvent la tête en se disant : Ça ne se passera pas comme ça, ça va se passer autrement.

Et, on le sait, M. Parizeau, bon, vient d'un milieu qui était aisé, hein? C'est d'ailleurs pour ça qu'on l'appelait tous affectueusement monsieur. Je ne connais pas personne qui le tutoyait. C'était un homme qui imposait par sa culture, par sa prestance, qui avait étudié, effectivement, à Londres, à Paris, qui aurait pu avoir des très bons emplois à peu près n'importe où dans le monde, mais il avait décidé de travailler pour les siens ici.

On a nommé beaucoup de ses réalisations, puis je suis très content de la décision de nommer l'édifice principal de la Caisse de dépôt en son nom parce que, pour moi, c'est un des outils économiques les plus importants. J'ai eu la chance d'en discuter souvent avec lui, puis on se rejoignait au moins sur ce point-là. Ça a été un ministre des Finances exceptionnel. Il faudrait inventer un nouveau REA, être capable de penser à des façons pour notre économie. Ça a été, je dirais, avec René Lévesque puis Jean Lesage, un des grands bâtisseurs du Québec moderne. C'est un géant, oui, et, sans lui, le Québec ne serait pas le même aujourd'hui.

Comme tout le monde, j'ai mes souvenirs, hein? Je me rappelle encore, première année aux HEC, dans les amphithéâtres, Jacques Parizeau était un des trois profs d'économie, mais, malheureusement pour les deux autres, tout le monde voulait aller dans sa classe. Il n'y avait même pas de place dans l'amphithéâtre, et puis là on écoutait Jacques Parizeau, qui était passionnant. Le seul problème, c'est qu'on était tellement passionnés qu'on ne prenait pas de notes. Quand on arrivait à l'examen, c'était un petit peu difficile parce qu'on n'avait pas de notes des cours qu'on avait eus avec M. Parizeau.

Et, pour moi, ça a été un modèle, une idole, puis je me suis considéré très privilégié par la suite d'avoir souvent l'occasion d'avoir des longs lunchs avec lui, hein? Quand mon adjointe voyait que j'allais luncher avec M. Parizeau, elle ne mettait rien l'après-midi. On allait — il y en a beaucoup... les anciens vont s'en souvenir — Chez Pierre, Restaurant Chez Pierre, dans un petit salon, et, écoutez, c'était comme la mémoire vivante du Québec. On lui parlait de n'importe quel sujet — le premier ministre parlait tantôt de la péréquation — régimes de retraite, Caisse de dépôt, les crédits, tel crédit d'impôt, il les connaissait dans le fin, fin détail.

C'était quelqu'un de travaillant, ce n'était pas... tout le contraire d'être superficiel. Il connaissait chacun des dossiers. Je me souviens d'avoir préparé, d'ailleurs, un dossier sur les finances d'un Québec souverain, 100 pages, puis il m'était revenu avec des commentaires puis des suggestions dans chacune des 100 pages. Donc, je n'avais pas besoin de me demander s'il avait lu le document.

Donc, c'est un jour de grande tristesse, mais la mort de Jacques Parizeau, ça nous conduit à distinguer l'essentiel du superflu, à prendre de la hauteur par rapport aux petites choses quotidiennes qui nous arrivent. Et je crois qu'autour de cette grande figure qui vient de nous quitter le Québec doit se rassembler, doit se souvenir. Oui, il y a de la tristesse, mais il y a aussi de la lumière, de l'espérance. C'est un moment qui est triste, mais c'est un moment qui doit être précieux, qui est riche d'enseignements. La mort de monsieur nous force à mesurer tout le chemin qui a été parcouru. D'abord, parcouru par lui, mais parcouru aussi par les Québécois, par la société québécoise. Sa mort le replace dans sa grandeur propre et nous replace aussi, par la même occasion, dans notre rôle qui est un rôle d'héritiers. Nous sommes tous, d'une manière ou d'une autre, des héritiers de Jacques Parizeau. Bien sûr, on ne partage pas tous les mêmes idées, la même logique, mais on se reconnaît tous dans le Québec moderne qu'il a contribué à bâtir, dans un Québec ambitieux, fier. Et, ce Québec-là, il n'y a pas personne qui peut nous l'enlever. Il nous a été légué comme un héritage, et c'est comme héritiers qu'il nous faut aujourd'hui prendre le relais puis inventer à notre façon le Québec de l'avenir.

M. Parizeau a toujours gardé foi en les Québécois, il n'a jamais perdu confiance. Et, jusque dans ses dernières années, il insistait pour rencontrer beaucoup de jeunes pour leur parler, et j'aimerais qu'on se rappelle de M. Parizeau de cette façon-là. Donc, oui, d'un côté, un homme de caractère, de conviction qui regardait devant lui, qui ne baissait jamais les bras, mais aussi un homme généreux, visionnaire qui, toute sa vie, a gardé l'avenir ouvert, qui n'hésitait pas à tendre la main aux jeunes générations, à ceux qui s'en viennent.

Donc, aujourd'hui, c'est notre tour de lui tendre la main, lui dire merci pour tout ce qu'il a fait pour le Québec. Merci, M. Parizeau, d'avoir si bien servi le Québec. Vous survivrez parmi nous comme une source d'inspiration unique, irremplaçable.

Et je termine en joignant, moi aussi, ma voix à mes collègues de la CAQ pour offrir toutes mes sympathies à Lisette Lapointe, à ses enfants. À tous ses proches, nous offrons nos plus sincères condoléances. Merci, M. le Président.

Le Président :

Merci, M. le chef du deuxième groupe d'opposition. J'inviterais maintenant Mme la députée de Gouin.

Mme David (Gouin) :

Merci, M. le Président. Bien, d'abord, à l'instar de l'ensemble de mes collègues, bien sûr, je veux exprimer tous mes regrets, mes condoléances à Mme Lapointe, que nous aimons beaucoup, à sa famille et à ses proches.

Bien sûr, aujourd'hui, on a parlé... depuis ce matin, on parle beaucoup de M. Parizeau, on parle de l'homme d'État, on parle, bien sûr, du souverainiste convaincu, on rappelle sa grande intelligence, sa rigueur, sa passion, on rappelle de lui à quel point il était un économiste brillant dont les idées sont encore pertinentes aujourd'hui. On devrait se rappeler celui qui, au nom de ses convictions les plus profondes, a accepté, au cours de la campagne référendaire de 1995, de s'effacer partiellement devant un autre qu'il estimait plus en mesure de gagner cette bataille référendaire.

Évidemment, on sait que M. Parizeau, monsieur, tolérait mal les compromis, et surtout en matière de souveraineté. Ça ne pouvait pas faire plaisir à tout le monde, mais, au fond, comment ne pas, à tout prendre, préférer les hommes et les femmes de principe, qualités et défauts compris, qui osent dire complètement ce qu'ils pensent? Et ça, c'était vraiment M. Parizeau.

1995 restera toujours pour moi une année extrêmement importante. Au terme de la campagne référendaire, un certain soir de défaite, il y a eu des mots qui ont été prononcés, des mots difficiles à prendre pour la femme que j'étais, pour la présidente de la Fédération des femmes que j'étais. Mais cette même femme, cette même présidente s'est rappelée aussi que, quelques mois auparavant, lors de la marche Du pain et des roses, cette marche si rassembleuse et si transpartisane, le premier ministre du Québec Jacques Parizeau avait souscrit aux revendications des femmes et, entre autres, à celle qui demandait la rétroactivité du temps de parrainage pour les femmes immigrantes. Alors, je remercie encore pour cela le premier ministre Jacques Parizeau.

Le temps a passé, M. Parizeau est demeuré un penseur et un acteur important de la société québécoise. Combien de fois est-il intervenu publiquement pour défendre le modèle social et économique québécois où l'État joue un rôle de catalyseur et de redistributeur de la richesse?

J'ai rencontré M. Parizeau pour la dernière fois en octobre 2011, lors du lancement de mon livre De colère et d'espoir. J'avais invité Lisette Lapointe, elle m'a fait la surprise d'arriver avec son mari, Jacques Parizeau. J'avoue humblement que j'ai été saisie. On s'est embrassés — c'est presque la dernière fois que je l'ai vu — on a fait la paix. C'était un moment absolument magique, et je remercie encore Mme Lapointe d'avoir amené avec elle son mari.

Merci, Jacques Parizeau. Vous étiez l'un des personnages, des derniers personnages importants de la Révolution tranquille. Vous étiez un vrai, un fidèle, un amoureux du pays du Québec. Nous vous avons parfois contesté, mais nous vous avons aimé et admiré.

En terminant, j'aurai toujours en mémoire ce jour de juin 1991 où M. Parizeau a traversé cette Chambre pour aller serrer la main de Robert Bourassa, qui venait de déclarer ceci : «...le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.» Merci, M. Parizeau.

Le Président :

Merci, Mme la députée de Gouin. J'inviterais maintenant M. le député de Rosemont.

M. Lisée :

De René Lévesque, Camille Laurin écrivait ceci : «[Il] me paraît comprendre et ressentir dans [ses chairs] ces contradictions de l'homme québécois qui tout à la fois lui imposent de se libérer et l'empêchent d'y parvenir. C'est pourquoi [Lévesque] oscille lui-même entre la nuit et la lumière...» Il est pour chacun un signe de contradiction.

Le bon Dr Laurin aurait dû tirer un diagnostic complètement opposé de l'autre incarnation du mouvement indépendantiste. Jacques Parizeau ne reflétait pas, comme Lévesque, les Québécois tels qu'ils étaient. Il les représentait tel qu'il voulait qu'ils deviennent, désinhibés, décomplexés, déjà indépendants dans leur tête et dans le monde.

C'est parce qu'il était né dans l'argent que Jacques Parizeau n'était pas intimidé par les forces de l'argent. C'est parce qu'il avait obtenu — premier Canadien français, disait-on alors — un doctorat de la London School qu'il ne s'en faisait pas imposer par les financiers anglo-montréalais de la colonie, de l'empire, finalement. Ceux-là entendaient-ils bloquer depuis ce qu'on appelait à l'époque la rue Saint-James le financement de la nationalisation de l'hydroélectricité, l'économiste Parizeau allait forcer le blocus en parlant directement aux vrais argentiers à Wall Street.

Jacques Parizeau avait l'assurance qu'il fallait, l'audace qu'il fallait pour faire lever de terre les grands instruments de développement économique de la Révolution tranquille. Il avait la confiance qu'il fallait envers les siens pour les initier à l'aube des années 80 aux actions en bourse grâce au Régime d'épargne-actions, qui allait transformer les actions des moyennes entreprises québécoises en géants mondiaux. C'était pour lui une grande fierté, 10 ans plus tard, de constater qu'on désignait spontanément le lieu où se brassent les affaires à Montréal la rue Saint-Jacques plutôt que la Saint-James. C'était beaucoup plus qu'un symbole, c'était le marqueur d'une transformation dont il avait été l'accoucheur.

Mais ses empreintes digitales sont aussi visibles partout ailleurs sur le territoire. Le projet de loi sur l'équité salariale, c'est lui; la perception automatique des pensions alimentaires, c'est lui; la reconnaissance des groupes communautaires, la création des carrefours jeunesse-emploi, c'est lui; la réintroduction des cours de métier dans les écoles secondaires, la formation professionnelle en entreprise, c'est lui; l'embellissement spectaculaire du pourtour de l'Assemblée nationale, c'est lui, le grand amant de la ville de Québec. La plus grande coalition politique de notre histoire, en 1995, c'est aussi Jacques Parizeau. Porter une nation à quelques millimètres de la souveraineté, ce ne pouvait être que Jacques Parizeau.

J'emprunte à Guy Breton, le recteur de l'Université de Montréal, les mots qu'il a employés en novembre dernier, lors du dernier hommage public rendu à M. Parizeau de son vivant, lors de la remise d'un doctorat honoris causa : «Par votre engagement universitaire, politique, patriotique, vous avez été, Jacques Parizeau, dans le poste de pilotage du Québec pendant plus de 60 ans. Vous avez été de ceux qui ont guidé le Québec depuis la "grande noirceur" jusqu'à la mondialisation. Le Québec n'est pas encore le pays dont vous rêvez, mais, beaucoup grâce à vous, les Québécois savent qu'ils peuvent le faire, ce pays. Une chose est sûre, M. Parizeau, très cher M. Parizeau, vous avez amené les Québécois à l'indépendance d'esprit.» Merci.

Le Président :

>353 Merci, M. le député de Rosemont. J'inviterais maintenant Mme la députée de Vachon.

Mme Ouellet :

Merci, M. le Président. Je veux féliciter mon collègue de Rosemont pour son éloge vraiment touchant.

Vous me permettrez, en débutant, d'offrir mes sympathies à Lisette, l'épouse de M. Parizeau, mais également une ancienne collègue ici, à l'Assemblée nationale, avec qui j'ai travaillé des dossiers sur les aînés. Mes sympathies à l'ensemble de la famille, des proches, à l'ensemble de ses anciens collègues. Et permettez-moi de saluer à ce moment-ci M. Jacques-Yvan Morin, ancien ministre dans la première équipe de M. René Lévesque avec M. Parizeau, et son épouse ici présents.

Vous savez, moi, j'ai commencé la politique, j'avais 16, 17 ans, et c'était à l'arrivée de M. Parizeau. J'ai eu deux mentors en politique : Mme Gro Harlem Bruntland, qui est l'ancienne première ministre de Norvège, mais également la mère du développement durable, et M. Jacques Parizeau, M. Jacques Parizeau qui a toujours été de son temps, toujours été à l'avant-garde. Ce n'est pas pour rien que, lorsqu'il faisait des conférences dans les cégeps et les universités, les salles étaient toujours pleines. Pas juste pour ses cours, mais aussi comme politicien.

Encore dernièrement, dans le dernier reportage qu'il a fait, encore des exemples où il se tenait à la fine pointe de l'actualité. Un homme qui a toujours été ouvert aux nouvelles idées, avec beaucoup de rigueur aussi, une qualité que, je crois, sur laquelle on devrait donner plus d'importance en politique, la rigueur.

À l'époque, je travaillais beaucoup les dossiers d'environnement — il faut se remettre à l'époque, il n'y avait pas de recyclage, il n'y avait pas de récupération — et j'avais convaincu M. Parizeau de l'importance du développement durable, un mot qui avait toute sa signification avant d'être trop galvaudé, et il a été un des premiers, sinon le premier économiste du Québec à affirmer publiquement que le développement économique et l'environnement devaient travailler ensemble pour l'avenir du Québec. C'était très novateur et très d'avant-garde à cette époque-là.

M. Parizeau, et mon collègue l'a dit... Vous savez, j'ai fait ma carrière chez Hydro-Québec, et, si la nationalisation de l'électricité a été possible, c'est grâce à deux hommes : René Lévesque, comme ministre des Ressources naturelles à l'époque, mais aussi à Jacques Parizeau parce qu'effectivement les gens de la finance de Montréal et de Toronto fermaient le robinet du financement, de l'argent pour bloquer l'émancipation du peuple québécois. Mais M. Parizeau ne s'est pas arrêté là, il est allé chercher l'argent directement à New York. Et, si la nationalisation de l'électricité a été possible, c'est grâce au travail concerté de ces deux hommes qui nous laissent des institutions comme Hydro-Québec, comme la Caisse de dépôt et placement, comme la Société générale de financement. Il a mis en place les régimes d'épargne-actions. Il nous laisse des outils économiques impressionnants, parmi les plus grands dans le monde. Hydro-Québec est reconnue partout sur la planète. La même chose pour la Caisse de dépôt et placement, un des plus grands investisseurs du... Ce n'est pas rien.

M. Parizeau, par sa famille, une famille qui était dans le domaine des affaires, connaissait bien le pouvoir de l'argent et a travaillé à mettre le pouvoir de l'argent au service du peuple. Un grand démocrate, un grand social-démocrate. Et d'ailleurs il le disait, une de ses plus grandes fiertés, c'est d'avoir participé avec l'équipe des 20 à la mise sur pied de tout le système d'éducation au Québec.

M. Parizeau, un grand homme d'État, tant comme grand mandarin de l'État que comme homme politique, ministre des Finances, premier ministre, travaillait au bien commun, nous a amenés en 1995 — et, M. le Président, j'y ai cru pendant une demi-heure — à l'indépendance du Québec... quasi-victoire. Et, pour moi, le plus bel hommage qu'on pourrait lui faire, à lui et à tout le Québec, c'est de terminer le pays qu'il a commencé. Merci.

Le Président :

Merci, Mme la députée de Vachon. J'inviterais maintenant M. le député de Bourget.

M. Kotto :

Merci, M. le Président. Je me souviens, je me souviens de l'honneur que M. Parizeau nous fit en acceptant de venir à Longueuil à l'invitation de Caroline St-Hilaire, alors députée de Longueuil—Pierre-Boucher, et de moi-même, alors député de Saint-Lambert, pour rappeler les 25 ans du premier référendum, tenu le 20 mai 1980. Je me souviens de plus de 300 personnes, sympathisants et amis, qui avaient alors réservé, à l'école Gérard-Filion, un accueil chaleureux, voire triomphal au premier ministre Jacques Parizeau.

Mais cette fête était surtout pour rendre hommage à cet homme pour sa contribution à l'avancement du peuple québécois. Pour honorer l'homme de grande culture, de grande humilité et de sensibilité, Caroline et moi lui avions rendu un hommage particulier sous le couvert d'un genre littéraire qu'il appréciait, la poésie. En voici quelques extraits :

«Il se réveilla un matin soudain avec cette force qu'il ne soupçonnait pas

Il est sorti de son nid

Il cherchait à assouvir sa faim de liberté

Parce que sous tutelle

il était meurtri

Parce qu'il avait été trahi.

«Il sait qu'il faut faire son destin

et le suivre

pour sa liberté...

«Un homme au-dessus de tout prix

Un homme qui ne souffre d'aucun équivalent

Un homme qui n'est pas une valeur relative

mais une valeur absolue

pour nous

pour un Québec sans exception.»

Il en avait été très ému, M. le Président, ainsi que celles et ceux qui étaient présentes et présents. Je pense à Mme la première ministre Pauline Marois, et à notre ancienne collègue Cécile Vermette, et tous ces militantes et militants qui l'ont écouté ce bel après-midi.

Il avait également, très humblement et très sincèrement, apprécié — ce que je n'oublierai jamais — de lui avoir dédié ma toute première victoire électorale le 28 juin 2004, alors que j'étais élu député du peuple québécois de Saint-Lambert. Je voulais alors dénoncer une injustice qui lui avait été faite. M. Parizeau, ai-je dit alors, avait été victime d'un procès d'intention bien orchestré. On avait détourné une phrase pour le fustiger. Si celles et ceux qui ont poussé les hauts cris à la suite de cette phrase du 30 octobre 1995 avaient poussé la recherche du sens, on n'aurait pas traité M. Parizeau de cette façon. Nous nous souviendrons du grand bâtisseur, humble et géant à la fois. Nous nous souviendrons de la puissance de son intellect et de son élégance également. Nous honorerons le legs de ce grand homme d'État. Merci, M. le Président.

Le Président :

Merci, M. le député de Bourget. J'inviterais maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest et vice-président de l'Assemblée nationale.

M. Gendron :

Alors, merci énormément, M. le Président. Merci, chers collègues, de me permettre — parce que c'est un immense privilège que vous m'accordez — de rendre hommage à ce très grand artisan du Québec moderne, dont la grande partie de sa vie a été donnée à ce Québec qu'il voulait améliorer et qu'il voulait sortir de sa dépendance chronique, en particulier sur le plan économique.

Mes premiers mots, ça va être d'abord pour offrir mes plus sincères condoléances à Mme Lisette Lapointe, que j'ai connue comme collègue, avec qui j'ai travaillé ici, à l'Assemblée nationale; aux enfants que j'ai eu la chance de rencontrer à quelques reprises, Bernard et Isabelle; la famille immédiate de M. Parizeau, ses amis et le très, très grand nombre de Québécois et de Québécoises qui constatent aujourd'hui l'immense valeur de ce géant québécois. Je salue très rapidement aussi un ex-collègue avec qui j'ai beaucoup aimé travailler, M. Morin, et sa conjointe. Je me rappelle de cette équipe extraordinaire, 1976‑1985, avec qui j'ai eu la chance de travailler au Conseil des ministres, avec la permission que M. Lévesque m'a faite d'entrer au cabinet, en 1979, avec cette extraordinaire équipe que je me rappellerai toute ma vie.

Rendre hommage à M. Parizeau, il y a plusieurs facettes qu'on pourrait développer, mais je voudrais assez rapidement me restreindre. Moi, je n'ai pas de cabinet, je n'ai pas la fonction pour être bien entouré et faire des recherches. Ce n'est pas une excuse, je suis très heureux de ce que je vais dire, mais la contribution de M. Parizeau, elle est exemplaire, magistrale, longue et imposante.

Il a modernisé le Québec de la Révolution tranquille par l'arrivée de la Régie des rentes, la Société générale de financement, la Caisse de dépôt et de placement, la nationalisation de l'électricité, mais tout ce qui s'appelle des outils économiques pour permettre au Québec d'être mieux accompagné. Un État ne fait pas le développement économique, mais un État moderne doit accompagner de son meilleur de lui-même, dans ses politiques, dans ses orientations, le développement du Québec au complet, et ça inclut ses régions, en leur donnant des outils qui leur permettent de croître et de se développer.

Jean-François, avec raison, avec raison, a ajouté à cette liste d'un legs absolument extraordinaire d'un homme d'envergure, un homme d'État en ajoutant, puis là je ne veux pas le reprendre, mais la perception automatique des pensions alimentaires — je ne le reprendrai pas tout — le projet de loi sur l'équité salariale, ainsi de suite. C'est la dimension moderne de sept, huit nouveaux éléments qui s'ajoutent à cette longue liste des éléments historiques, des grands instruments de développement économique que le Québec s'est donnés pour sortir de la dépendance.

Mais moi, je suis obligé d'ajouter, parce que j'ai aimé travailler avec M. Parizeau, j'ai aimé M. Parizeau, et il y a plusieurs facettes que je pourrais développer, mais je veux juste ajouter à la liste... Pour rester dans le legs extraordinaire qu'il laisse au Québec, entre autres à une région minière comme l'Abitibi-Témiscamingue, il a donné ce qu'on appelle les actions accréditives dans le secteur des mines. Les actions accréditives dans le secteur des mines, quand il y a des affaissements comme c'est le cas, qu'on vit actuellement pour l'exploration minière, c'est important d'avoir cette contribution plus large de citoyens du Québec qui veulent participer au développement économique de la région. Et, par cet outil, il a donné une poussée de croissance extraordinaire à l'Abitibi-Témiscamingue. Vous en parlerez au maire de la ville de Québec, qui a profité effectivement de cette poussée de croissance extraordinaire — tant mieux pour lui, mais tout le Québec en a profité, tout le Québec en a profité. Et, si je veux illustrer ça, ça démontre comment M. Parizeau avait de la vision, comment M. Parizeau avait cette conscience sociale qui l'amenait à offrir des outils de développement à l'ensemble du Québec.

J'ajouterais le Régime d'épargne-actions, qui a permis aux grandes entreprises du Québec de se déployer, de se développer et de passer à une étape de la modernité. Le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ, le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ, c'était moderne de penser à ça, de dire : On va mettre les travailleurs dans le coup parce que ces gens-là aussi veulent poser leur pierre, ces gens-là aussi veulent contribuer, et on va leur donner un outil qui va permettre de participer à l'économie québécoise.

Je pourrais poursuivre, il a un legs extraordinaire. Et j'espère que... pas nos livres d'histoire, parce que malheureusement je trouve qu'ils sont incomplets, mais l'histoire tout court du Québec sera mieux enseignée pour permettre à ces jeunes, parce qu'on a des beaux jeunes, de la belle jeunesse au Québec, de s'informer davantage de tous ces hommes et ces femmes qui ont contribué au développement économique du Québec et que, malheureusement, on ne connaît pas leur immense contribution.

Rapidement, homme d'État, on ne le répétera jamais assez... J'en ai vu quelques-uns, des premiers ministres, dans ma carrière, et j'ai rarement vu quelqu'un avoir autant le sens de l'État que M. Parizeau. Être membre d'un conseil des ministres, participer à des comités ministériels, pousser des réflexions qui engagent tout le Québec pour leur mieux-être, c'est une responsabilité importante. Et, parce que c'est une responsabilité importante, il faut la faire avec énormément de principes, de rigueur, de constance et de préparation. M. Parizeau n'était pas de l'école que toutes les opinions se valent puis l'opinion de M. Untel vaut l'opinion de l'autre. Oui, à condition qu'elles soient documentées. Les opinions gratuites, ça ne passait pas la rampe avec M. Parizeau. Et tant mieux, ça nous permet d'avoir des nouveaux standards plus élevés, ça permet d'avoir une discipline plus importante.

Je ferais des heures et des heures. Comme homme d'État, il m'a impressionné parce qu'il avait le sens de l'État. C'est clair qu'il avait une méchante expertise, mais, avant de faire de la politique avec nous, il avait oeuvré au fédéral, il avait oeuvré avec M. Lesage, M. Johnson, donc il avait tout un bagage, là, quand, au-delà de 50 ans de ta vie, tu le passes à faire des dossiers, à conseiller intelligemment, et surtout que, dans tes tripes, tu es social-démocrate — parce que M. Parizeau était social-démocrate. M. Lévesque avait dit, une fois, de lui : C'est un gauchiste mais qui sait compter. Ah bon! Alors, c'est bien important d'avoir des gauchistes qui savent compter, et M. Parizeau savait compter.

Sur le plan des finances publiques, c'était un géant des finances publiques, c'était un géant des questions financières, il se l'est fait dire à travers le Canada, il se l'est fait dire au Québec. Et, chaque fois qu'il avait l'occasion de prononcer un discours du budget... je ne vous demande pas d'être d'accord en totalité ou en partie, ce n'est pas important, mais, dans tous ses discours du budget, il y avait quelques finesses qui permettaient au Québec de s'en sortir mieux, et c'était important.

C'était un géant aussi de la pédagogie. Martine, avec raison, tantôt, elle l'a mentionné : D'avoir un orateur qui était un des plus sollicités dans les universités puis dans les cégeps... comme par hasard, c'était souvent M. Parizeau. Pourquoi que c'était M. Parizeau? Parce qu'il traitait adéquatement les sujets qu'il possédait, ses sujets étaient réfléchis, documentés, et M. Parizeau a été de tout temps un excellent pédagogue. Et je voudrais juste donner comme exemple : lorsqu'on a eu cette extraordinaire chance, au Québec, de soumettre, dans une consultation référendaire, un sujet aussi important que l'avenir d'un Québec complet, d'un Québec normal, qui posséderait tous ses outils, M. Parizeau avait eu l'intelligence de la préparer, cette immense consultation. On avait fait le tour du Québec, il y avait une commission parlementaire sans partisanerie qui a préparé le terrain, et ça devait intéresser les Québécois puisque je n'ai jamais vu un taux de participation aussi élevé de toute ma carrière : 95 % des gens ont participé à cette extraordinaire consultation.

Mais, pour faire le tour du Québec, il faut avoir des choses à dire, il faut avoir des arguments, et M. Parizeau en avait par rapport à ce qu'il a toujours porté fièrement, un Québec normal, un Québec complet, un Québec adulte, un Québec mature, et ça, ça s'appelle une pleine et entière capacité de s'autosuffire, de se gérer nous-mêmes. Quand on est une nation normale, ça serait normal d'avoir notre système politique. M. Parizeau l'a porté contre vents et marées, ça lui a valu pas mal de difficultés dans sa propre famille. Je m'en rappelle très bien, il y avait des situations que je pourrais raconter, mais, quand tu as des principes puis des convictions, tu les gardes.

Je voudrais saluer — je le dis comme je le pense, c'est ce que je fais habituellement toujours — la noble et digne intention du premier ministre que la Caisse de dépôt immortalise son nom à tout jamais parce qu'il a tellement donné.

Et je terminerais en disant que la contribution au Québec du premier ministre M. Parizeau est inestimable. Il a permis à des Québécois de croire en eux, et, lorsqu'on donne cette chance, comme pédagogue, de donner la conviction à tout être humain qui a la capacité de poser sa pierre pour un Québec meilleur, c'est un plus, autant pour son économie que son indépendance. Par ses actions, il fut l'un des Québécois les plus marquants de sa génération. Merci, M. Parizeau...

Le Président :

Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest et vice-président de l'Assemblée nationale. J'inviterais maintenant M. le député de Brome-Missisquoi, ministre de l'Agriculture et des Pêcheries.

M. Paradis (Brome-Missisquoi) :

M. le Président, monsieur n'est plus. Il nous a quittés hier et laisse dans le deuil un Québec auquel il a consacré toute sa vie active. Ses nombreuses réalisations lui survivent, mais, au-delà de son legs généreux envers le Québec, c'est de l'homme plus grand que nature dont l'Assemblée nationale du Québec conservera un souvenir impérissable.

M. le Président, son respect pour l'institution que vous présidez ne s'est jamais démenti. Son respect pour ses adversaires politiques n'avait d'égal que celui que lui vouait le regretté premier ministre Robert Bourassa. Son sens de l'honneur, de l'État et des responsabilités ministérielles l'ont conduit à répéter à ses collaborateurs et dans l'enceinte de l'Assemblée nationale ce qui suit : «Un ministre est responsable de ce qu'il sait et de ce qu'il ne sait pas dans son ministère.» Fin de la citation.

Reconnu comme un gentilhomme, monsieur était, dans sa vie privée, un gentleman-farmer. Il profitait de ses très rares temps libres pour s'adonner à l'aménagement de sa ferme, située à Knowlton, comté de Brome-Missisquoi. C'était, comme il l'a déjà confié, son petit coin de paradis.

Monsieur fut un adversaire politique des plus coriaces. Homme intègre issu d'une famille du milieu des affaires, il s'est consacré corps et âme à la souveraineté du Québec. Il était séparatiste avant les élections, séparatiste pendant les élections, séparatiste après les élections. Comme toute personne politique, il a connu tour à tour victoires et défaites. Il n'a jamais abandonné. Il est intervenu dans le débat public pour faire avancer sa cause jusqu'à la limite de ses forces. La veille des conseils nationaux du Parti québécois ne sera plus jamais aussi colorée, mais il n'est pas exclu qu'il intervienne de nouveau à sa manière.

Nous offrons nos plus sincères sympathies à notre ex-collègue Lisette Lapointe, sa conjointe, de même qu'à sa famille, à ses collaborateurs et à ses amis. Souvenons-nous de monsieur, qui nous a quittés pour un pays éternel.

Le Président :

Merci, M. le député de Brome-Missisquoi et ministre de l'Agriculture et des Pêcheries.

Le Président :

Le Québec a perdu l'un de ses grands hommes d'État. Jacques Parizeau a marqué la vie politique québécoise des 60 dernières années. Il a engagé toute sa vie et sa carrière pour faire du Québec, qu'il aimait profondément, un État moderne et prospère.

Je vais vous citer les propos prononcés par Jacques Parizeau, alors ministre des Finances, au moment d'une motion similaire il y a presque 25 ans, le 12 décembre 1985, lors du décès de Jean Lesage. C'est M. Parizeau qui parle, là, parle de Jean Lesage : «Il nous a aussi appris, M. le Président, ce qu'on appelle le sens de l'État, le respect de l'État, qu'on n'a peut-être pas toujours eu suffisamment dans notre histoire. Mais il symbolisait, à lui-même et à lui tout seul à certains moments, l'espèce de respect collectif que l'on commençait à avoir pour de nouvelles institutions modernes...» Force est de constater que ses propos, aujourd'hui, lui conviennent très bien.

Au lendemain de la disparition de cet homme d'exception et au-delà des questions d'appartenance politique, je veux rendre hommage à la mémoire et à l'immense contribution de Jacques Parizeau à l'avancement du Québec. Son oeuvre colossale a marqué notre destin collectif de façon durable, et son héritage va continuer de façonner pendant longtemps le Québec de demain. Toutes mes condoléances à son épouse et à sa famille. Au revoir et merci, M. Parizeau.

Le Président :

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix :

Adopté.

Le Président :

Adopté. Alors, Mmes, MM. les députés, je vous invite maintenant à vous lever afin que nous observions une minute de silence à la mémoire de M. Jacques Parizeau.

Le Président :

Merci. Veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Fournier :

Dans les circonstances, M. le Président, je fais motion pour que nous puissions ajourner nos travaux à demain, mercredi le 3 juin, 9 h 45.

Le Président :

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix :

Adopté.

Le Président :

Adopté. Alors, j'ajourne nos travaux à mercredi le 3 juin, 9 h 45.